L’alimentation du badiste
Des graisses pour s’affûter
Dans notre société actuelle, l’alimentation prend une place de plus en plus importante dans les débats. La montée de l’obésité, du diabète et de nombreuses maladies auto-immunes (sclérose en plaques…), d’encrassage (cancers…) ou d’élimination (allergies, asthme…) ne sont pas étrangères à cela. Sans oublier la notion d’éthique qui joue un rôle plus ou moins important selon les individus dans ce que l’on souhaite trouver dans notre assiette. Pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène, il suffit de parcourir les rayons destinés à l’alimentation chez les libraires où l’on trouve de tout… ce qui nous avance souvent à rien. A cela s’additionne les problématiques de stratégies nutritionnelles du sportif et qui plus est du joueur de badminton. Nous nous sommes attachés dans le précédent Dossier BAD (N°16 : L’alimentation du badiste : santé et performance) à décrire les besoins du joueur de badminton. Nous le résumerons de la manière suivante : le rapport poids-puissance est fondamental et directement soumis à notre alimentation. Nous avions souligné le rôle des protéines dans l’anabolisme et donc la construction structurelle. Nous aborderons ici le rôle des lipides en substitut aux glucides dans la perte de masse grasse avec en toile de fond la lutte contre l’inflammation si répandue chez les joueurs de badminton.
Des graisses pour perdre du gras !
A la question, comment perdre de la masse grasse, d’innombrables régimes tentent de donner une réponse. Rares sont ceux qui n’entraînent pas de carence et rarissimes sont les méthodes compatibles avec une pratique sportive intensive voire de haut-niveau. Néanmoins, si l’on combine plusieurs des méthodes les plus abouties et étayées tout en tenant compte des besoins du joueur de badminton, il est possible au bout du compte d’avoir des données très intéressantes. Tout d’abord, rappelons-nous que le joueur de badminton a besoin d’un maximum de puissance ce qui implique de posséder un corps efficient et efficace. Cette efficacité et cette efficience se trouveront améliorées si la quantité de masse grasse localisée dans le tissu adipeux est diminuée. Pour se faire, il faut réduire sa consommation de glucides afin d’obliger le corps à se fournir dans ses réserves de graisses pour produire de l’énergie. Cette diminution de la consommation des glucides associée à l’augmentation de la consommation des lipides va entraîner une utilisation de graisses (cétogènes) ayant un meilleur rendement que les glucides dans le métabolisme énergétique. L’organisme sera alors placé dans un léger état de cétose favorable à la lutte contre l’inflammation dont nous avons parlé dans le précédent Dossier BAD. Mais il faut préciser que l’atteinte de cet état de cétose nécessite des ajustements propres à chacun concernant la quantité et la fréquence des apports en glucides. De plus, de cet apport en glucides à ajuster dépend la préservation de la masse musculaire (en plus de l’apport en protéines dont nous avons parlé dans le précédent Dossier BAD) d’un sportif confirmé. En revanche, une consommation excessive de glucides, qu’ils soient à indice glycémique élevé ou faible, aura en outre une réaction appelée glycation ou glycosylation durant laquelle les sucres se fixent sur des protéines et des graisses modifiant ainsi les structures des cellules et donc des structures du corps allant de la rigidification à la rupture de ces tissus… On parle alors de dégénérescence. Autrement dit, une alimentation riche en glucides (souvent conseillée dans le monde du sport…) entraîne un vieillissement prématuré. Si comme nous l’avons vu, il est aussi important de réguler sa consommation de glucides, il est tout aussi déterminant de choisir avec pertinence ses lipides. D’ailleurs, nous devrions plutôt dire qu’il faut rééquilibrer la proportion des « bonnes et mauvaises graisses » que nous ingérons. Par exemple, il faut passer à un rapport de 1/1 entre oméga 3 et oméga 6 sachant que l’alimentation actuelle est dans un rapport entre 1/10 voire 1/30… Pour se motiver à rééquilibrer ce ratio, il faut comprendre que les oméga 6 augmentent l’inflammation tandis que les oméga 3 ont l’effet inverse.
Du cholestérol pour votre santé et vos performances
Il est temps de s’attaquer à une idée reçue trop répandue. Le cholestérol n’est pas mauvais pour la santé. Au contraire, il est un composant majeur des membranes cellulaires, un précurseur de la vitamine D et un antioxydant puissant. Il permet également de synthétiser la testostérone et l’œstrogène entres autres hormones, essentielles au développement des qualités sportives. Les maladies attribuées à une alimentation riche en cholestérol sont en fait le résultat d’une alimentation riche en glucides. En effet, les transporteurs du cholestérol, des lipoprotéines de faible densité appelées LDL, sont alors oxydées (une molécule de glucose se fixent sur elles). Elles ont alors du mal à effectuer leur rôle, ce qui contribue à une accumulation du cholestérol. Ce dernier devant être synthétisé puisque le corps est incapable de le détruire. Il faut également avoir à l’esprit que même si l’on n’amène pas de cholestérol par son alimentation, celui-ci sera de toute façon produit par le foie. Tandis que si l’on décide d’en consommer, le corps diminuera sa production. Ce qui prouve que le seul levier pertinent est la limitation de la consommation des glucides.
Manger moins pour être meilleur
Nous avons vu que placer son organisme dans un léger état de cétose lui est bénéfique notamment en ce qui concerne la rentabilité de la dépense énergétique. Il nous faut également aborder la question de la quantité des apports totaux. Bien qu’il soit souvent plus pertinent d’aborder la nutrition par le prisme de la qualité, il n’est pas toujours inintéressant de traiter la question de la quantité. En effet, il est prouvé qu’une réduction de l’apport calorique entraînerait une production de radicaux libres amoindrie et bloquerait les facteurs inflammatoires. De plus, les usines de production d’énergie via la filière aérobie que sont les mitochondries fonctionneraient de manière plus efficace. Cette donnée est excessivement intéressante lorsque l’on connait l’importance de la filière aérobie dans la resynthèse de la créatine phosphate qui est, rappelons-le, indispensable à la production d’efforts maximaux comme un smash suivi d’un rush. Enfin, ne pas manger à satiété aurait des répercussions bénéfiques sur les facultés d’apprentissage et de mémorisation, stimulerait les défenses de l’organisme au travers d’une action antioxydante et favoriserait une apoptose positive. L’apoptose est un processus de mort cellulaire indispensable mais un équilibre doit être trouvé entre la mort et le renouvellement des cellules, un apport calorique amoindri y contribue.
Pour résumer :
Voici un récapitulatif concret de quelques aliments à proscrire, à privilégier ou à consommer avec modération :
Conclusion
L’alimentation est, selon nous, l’un des leviers les plus importants dans la recherche de performance en général et en badminton en particulier. Quelques Dossiers BAD ne peuvent aborder l’ensemble des mécanismes en lien avec les stratégies d’alimentation et la performance en badminton. Il y aurait encore beaucoup à dire sur les supplémentations survendues et toxiques, les produits laitiers délétères mais recommandés, les suppléments décriés et pourtant très intéressants telle la créatine… Retenons qu’il faut sans cesse remettre en question les idées reçues en matière d’alimentation, comme dans d’autres domaines. Bien souvent, des stratégies commerciales se cachent derrière ces croyances, ou bien une multinationale oriente les publications dans le sens qui lui convient. L’exemple des produits laitiers est criant. Nos meilleurs joueurs français se gavent de ces produits dans La Mecque du sport français pensant améliorer leur performance à court terme… mais à quel prix lorsqu’on connait les effets délétères de la composition des laits provenant d’autres espèces… Il est triste que les produits de performance ne soient pas forcément étudiés et préconisés que pour leurs vertus sans occulter le versant de la santé. Le sportif ne serait-il plus qu’un corps laboratoire, une machine produire de la performance ? Gageons que les joueurs de badminton français ont une autre vision d’eux-mêmes et qu’ils méritent mieux que des conseils nutritionnels véhiculés par certains géants de l’agroalimentaire.
Bon entraînement et bonne alimentation intelligente à tous !
Maxime Michel
DESJEPS Badminton
Préparateur physique
Philippe Michel
Professeur Agrégé EPS