Le badminton est-il un sport essentiellement pliométrique ?
Pour beaucoup, le badminton est un sport essentiellement basé sur des contractions pliométriques.
A ceux qui ont ce dogme en tête, je poserais deux questions :
Les membres inférieurs (extenseurs de la cheville, du genou et de la hanche dans le cas d’un effort pliométrique) sont-ils les seuls à être dignes d’intérêt sur le plan de l’observation et de l’entraînement ?
Et même si l’on n’observe que les membres inférieurs, le joueur est-il toujours en train de rebondir frénétiquement ?
Pourquoi le badminton n’est-il pas qu’un sport pliométrique ?
Le mode pliométrique est redoutable de violence et de brièveté. C’est d’ailleurs cette brièveté qui nous permet de supporter une telle violence (jusqu’à 9 fois le poids du corps). Ce mode consiste en un emmagasinement d’énergie durant la phase excentrique (le ressort est compressé), puis en une libération de cette énergie durant la phase concentrique (le ressort se détend). Mais, et c’est là le fondement de l’argumentation, pour qu’une contraction soit pliométrique, le temps de couplage entre la contraction excentrique et la contraction concentrique doit être très bref (entre 1 et 2 dixièmes de seconde environ). Autrement dit, dès que le joueur de badminton a un contact au sol un tant soit peu prolongé (qui ne soit pas un contre-mouvement), cela signifie qu’à un moment donné, il ne fonctionne plus sur le mode pliométrique.
A quels moments et pour quelles parties de son corps le joueur de badminton n’utilise pas la pliométrie ?
Il serait bien fastidieux d’énumérer tous les moments et toutes les parties du corps où le joueur de badminton n’utilise pas le mode pliométrique mais les deux exemples ci-dessous pourraient déjà suffire à le démontrer.
La fente
Lors des fentes, le joueur de badminton freine sur un pas pour se réceptionner le plus équilibré possible. Le contact au sol est prolongé, l’attaque par le talon (appui plantigrade) et la forme de corps adoptée témoignent de l’effort fourni pour absorber la vitesse engendrée précédemment. Tout nous indique qu’il s’agit de l’utilisation du mode excentrique, du moins pour cette partie de la fente. Une fois freiné et réceptionné, le joueur doit repartir de cette position de fente. Il utilise alors le mode concentrique même si une partie de l’effort est fournie par une mise en tension-renvoi accumulée lors de la phase excentrique, mais avec un délai de couplage trop important pour qu’il s’agisse d’une contraction pliométrique. La part de la puissance produite par les structures passives (énergie élastique) sera dépendante de la profondeur de la fente et de la contrainte imposée. Si la contrainte est très importante, dans le cas d’une fente extrême après un déplacement fond-filet par exemple, les structures passives joueront un moindre rôle dans le retour de cette fente et le joueur utilisera en grande partie sa puissance concentrique sur les érecteurs du rachis (trop souvent oubliés dans l’entraînement du joueur de badminton), les fessiers, les quadriceps et les triceps suraux principalement.
Le centre du corps :
Le centre du corps, c’est-à-dire l’ensemble des muscles lombo-abdominaux, servent au joueur de badminton à contrôler la position et le mouvement de son tronc par rapport au bassin. Ainsi, cela lui permet de contrôler et transférer de manière optimale les forces produites par les différents segments. Ces muscles, lors des frappes de fond de court par exemple, doivent résister aux variations de longueur que les segments tendent à produire pour transférer au mieux les forces. Lors de l’armé, les grands droits par exemple, tendent à être étirés tandis que les érecteurs du rachis doivent résister à un raccourcissement, et inversement lors de la phase de frappe. Autrement dit, plus le joueur est puissant, tantôt en puissance isométrique face à un raccourcissement (isométrie en résistance concentrique), tantôt face à un allongement (isométrie en résistance excentrique), plus il sera équilibré, précis et puissant lors de sa frappe.
Conclusion
En conclusion, le travail pliométrique doit certes être maîtrisé à la perfection, aussi bien sur le plan de sa planification que de sa mise en pratique d’entraînement au risque de décevoir au niveau de la performance et de mettre en danger l’intégrité physique. Pourtant, l’endurance de pliométrie semble toujours être le mot d’ordre dans l’entraînement moderne du joueur de badminton… Cela étant dit, les autres systèmes de contraction musculaire ne sont pas à délaisser aussi bien au niveau de leur connaissance que de leur pratique pour deux raisons. La première, je me suis employé à vous la démontrer dans ce dossier. Tous les systèmes de contraction sont utilisés dans la pratique du badminton. La seconde se heurtera peut être plus à certaines représentations. En effet, l’entraînement ne peut et ne doit pas être le reflet systématique de la pratique en particulier lorsque celle-ci est traumatisante. Dans le cas contraire la blessure serait à redouter. Mais surtout, cela limite le champ d’action. Le travail de tous les systèmes de contraction orchestré par une véritable logique de fonctionnement engendrera des adaptations neuro-musculo-tendineuses et même bio-énergétiques sans égal.
Bon entraînement intelligent à tous !
Maxime Michel
DESJEPS Badminton
Préparateur physique
Philippe Michel
Professeur Agrégé EPS