Le Badminton en EPS
Le thème de cet article peut apparaître un peu anachronique avec les autres « dossiers Bad » mais c’est avec plaisir que je réponds à cette demande. Je tiens évidemment à préciser que tout ce qui suit n’engage que moi.
« Ah si le badminton à l’école ou au collège était enseigné par des éducateurs sportifs les joueurs français seraient bien plus forts ! » Si ce n’est pas une brève de comptoir cela y ressemble ; pourtant je l’ai entendu, sans le vouloir, quelquefois de la part de certains entraîneurs. N’est-ce pas le rêve de la fédération ou plus spécifiquement de la DTN quand elle propose son Dispositif Jeunes à l’adresse des entraîneurs de club (elle est bien là dans son rôle) mais aussi et c’est plus surprenant en direction des enseignants du 1er et du 2nd degré (dans ce cas quelle est sa légitimité à proposer des contenus et situations d’enseignement pour l’école ?).
Je voudrais partager avec vous plusieurs remarques de bon sens :
Si chaque fédération sportive avait vocation à décider de ce qui doit être ou ne pas être enseigné dans les programmes scolaires, comment serait assuré la cohérence des enseignements ?
Les entraîneurs de club n’ont pas dans leur formation un module concernant les programmes ou la didactique de l’EPS, alors comment pourraient-ils enseigner une discipline qu’ils ne connaissent pas ?
Nous verrons dans cet article que l’on peut objecter quatre arguments à la citation initiale : l’un didactique, un autre professionnel, un autre encore pédagogique et enfin un économique.
Objection ou argument Didactique :
S’il y avait un argument à retenir ce serait celui-là, l’enseignement du badminton ne figure pas dans les programmes scolaires, c’est aussi simple que cela. La seule discipline pouvant s’en approcher est l’EPS, or celle-ci ne se confond pas avec les activités-support qu’elle utilise. L’EPS ne se confond pas non plus avec la programmation d’APSA (Activités Physiques Sportives ou Artistiques) différentes. Ce qui organise l’enseignement de l’EPS ce ne sont pas les contenus spécifiques de chaque APSA mais les compétences générales de l’EPS et les compétences du Socle communes à toutes les disciplines (français, maths, anglais, etc…). Elles sont l’identité de la discipline EPS, ce que personne ne peut enseigner à la place des professeurs d’EPS.
Si le badminton est une des activités-support possibles du champ d’apprentissage 4, cela veut dire aussi qu’il peut ne pas être choisi par l’équipe enseignante. Ce qui assure la cohérence de l’EPS c’est le projet pédagogique et non les demandes extérieures de tel ou tel. Pourquoi d’ailleurs répondre favorablement à tel club ou telle fédération plutôt que tel autre ? L’équipe EPS est la garante de l’unité et de la continuité des apprentissages des élèves.
Enfin il faudrait s’interroger, après les travaux de N.Elias, sur les valeurs prétendument éducatives d’un sport compétitif qui éduquerait « naturellement ». Je sais que c’est une idéologie largement répandue qui n’est même plus questionnée et pourtant cela ne va pas de soi !!
En effet au-delà d’un traitement didactique évident à opérer lorsqu’on utilise une APSA en EPS, il s’agit pour le professeur d’EPS de travailler au développement de l’esprit critique (demandé par les programmes et le Socle) sans lequel l’Ecole raterait sa mission principale : former un citoyen averti et lucide.
Objection ou argument professionnel :
Cet argument découle du précédent et repose sur la notion de compétence professionnelle. Chaque métier a une formation spécifique validée par des compétences correspondantes à l’exercice du dit-métier dans un environnement particulier. Comment un professionnel (DE, DES) formé pour un autre métier aux compétences acquises différentes (didactique spécifique, public différent, pédagogie différente,…) pourrait-il remplacer ou « faire mieux » qu’un professionnel (professeur d’EPS) formé spécifiquement à l’enseignement de l’EPS ? Dans l’affirmative il faudrait alors admettre que l’inverse est acceptable ce que bien sûr aucun entraîneur ou fédération aurait sûrement du mal à accepter ! Il y a donc ici comme ailleurs un principe qui prévaut c’est le respect des compétences professionnelles acquises et celui de la réciprocité. Enfin demandez-vous pourquoi cette question des intervenants extérieurs à l’école primaire se posent pour certaines disciplines : EPS, Arts plastiques, Education musicale et pas pour les autres : français, maths, SVT, histoire,… ? On pourrait dès lors voir un infirmier enseigner les SVT, un guide de château enseigner l’histoire et pourquoi pas le champion local des mots croisés enseigner le français. Fort heureusement cette école n’existe pas et c’est tant mieux pour nos enfants !
Objection ou argument pédagogique :
Celui-ci aussi découle du précédent, les DE ou DES n’ont pas été formés à la pédagogie différenciée avec des publics hétérogènes (capacités, connaissances, attitudes) qui sont accueillis dans nos écoles et collèges. Leur public est volontaire, quand il est là il est venu de son plein gré, il est donc motivé. Cette différence est fondamentale et à elle seule explique pourquoi ces professionnels seraient en difficulté avec les élèves de collège et de lycée. Quelles situations pourraient-ils mettre en place pour donner du sens à leur enseignement ? Comment réagiraient-ils devant des élèves qui ne s’engagent pas, ne font pas d’efforts ou tout simplement ne comprennent pas l’intérêt de répéter une technique ? Ce qu’ils ont appris lors de leur formation serait inopérant avec de nombreux publics-élèves. Comment pourraient-ils évaluer en tenant compte des différents paramètres spécifiques à l’EPS et aux domaines du Socle ? Quelles compétences ont-ils pour concevoir des tâches complexes validant les apprentissages moteurs, méthodologiques et sociaux ?
Bref à environnement particulier, pédagogies particulières. Le professeur d’EPS est le spécialiste de l’analyse des conduite motrices et de la relation enseignant-enseigné dans son domaine ; il devra le plus souvent utiliser, non pas une méthode pré-définie, mais des processus pédagogiques variés pour favoriser des chemins d’apprentissage divers vers la réussite. Enseigner l’EPS et permettre à tous les élèves d’apprendre est une compétence professionnelle spécifique.
Objection ou argument économique :
Enfin si le badminton était enseigné à l’école et au collège par des DE ou DES, il en serait alors de même pour les autres APSA. Combien d’intervenants alors, un intervenant différent pour chaque activité ? Qui déciderait que le badminton doit être plus enseigné que le tennis de table ? Quelle cohérence d’enseignement d’une activité à l’autre.
Non seulement ce système, s’il était décidé, serait coûteux pour la collectivité mais contre-productif. Il conduirait à une « éducation physique en miettes » comme le disait déjà P.Parlebas…en 1967, ce qui montre bien que ce débat est ancien et dépassé.
Conclusion :
Comme nous l’avons vu la question d’un badminton enseigné à l’école par des entraîneurs dans le cadre des programmes scolaires n’a pas de sens tout simplement parce que ceux-ci n’ont pas été formés pour. Ils ne pourraient pas développer ni évaluer les compétences attendues des programmes et encore moins celle du Socle commun. Le caractère obligatoire de l’EPS modifie radicalement les conceptions, mises en œuvre et remédiations et rend inopérant les didactiques et pédagogies construites ailleurs. Cette question révèle surtout une méconnaissance ou une représentation erronée de l’enseignement de l’EPS d’aujourd’hui.
Enfin, mais là c’est moi qui rêve, il serait bon pour le bien-être de nos enfants et adolescents que chaque professionnel reste dans le domaine pour lequel il a été formé et respecte le travail des autres…
Philippe MICHEL
Agrégé d’EPS
Formateur entre autres sur « le Badminton en EPS »
De 1993 à 2013 pour l’Académie Orléans-Tours
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