Pompes et badminton : arrêtez le massacre !
Un problème culturel
Le badminton, comme tous sports, est sujet à une culture de l’entraînement. Cette culture est le fruit de nombreuses années de pratique, de nos pairs et des observations faites des pays dominants ce sport. La culture de l’entraînement forge les croyances des entraîneurs et des joueurs sur les pratiques de l’entraînement notamment. Le problème avec les croyances est qu’elles sont extrêmement tenaces. Il faut bien des preuves, des discours pour en arriver à bout et le choc pour les « croyants » est parfois violent. Mais ceux capables de cette remise en question et de cette actualisation font un pas vers la progression et parfois même vers la santé.
En badminton, il est culturel de faire des pompes en punition lors de certains exercices. Par exemple : faire 10 pompes par faute directe… Parfois même, certains font des pompes à l’échauffement. En revanche, il n’est pas culturel de faire des mouvements de tirage. Or, si vous faites des pompes dans le but d’augmenter votre puissance de smash par exemple, les coupler avec des mouvements de tirage sera indispensable. De même, si le respect de votre intégrité physique fait partie de vos priorités, les mouvements de tirage en seront les garants.
Pourquoi ?
Tout d’abord, il faut analyser ce mouvement de pompes. Ce mouvement de répulsion face au sol est en chaîne fermée puisque le corps est mobile, l’application de la force principale se situant au niveau des mains et se dirigeant contre le sol qui est bien sûr immobile. Voilà déjà une différence entre ce mouvement et la pratique du badminton qui s’effectue toujours en chaînes ouvertes sur les membres supérieurs puisque le point d’application de la force sur le volant est toujours mobile. En d’autres termes, le mouvement de pompe est peu spécifique. Néanmoins, il reste pratique car tout le monde n’a pas de barre, d’haltères ou même d’élastiques à portée de mains. Il reste également intéressant car il constitue une sollicitation en gainage dynamique faisant le lien entre les bras et le buste notamment par l’action des dentelés antérieurs qui maintiennent par leur contraction les omoplates sur la cage thoracique. Il met également en action des muscles intéressants pour la pratique du badminton : triceps brachial, deltoïde faisceaux antérieurs, grand pectoral dans son ensemble. Le travail de ces muscles aura un impact certain sur la puissance du smash mais nous y reviendrons dans un article dédié à cette analyse. Cependant, le travail en pompes (en développé couché le problème serait le même en pire) est conditionné par la morphologie du pratiquant. En effet, la longueur des bras et l’épaisseur de la cage thoracique doivent être pris en compte dans la réalisation. Des bras longs et/ou une cage thoracique peu épaisse demanderont une course plus longue et donc un étirement des pectoraux potentiellement dangereux ainsi qu’une sur-sollicitation de l’articulation de l’épaule. Celle-ci est déjà ultra sollicitée par la pratique du badminton comme par exemple l’articulation acromio-claviculaire. Une étude épidemiologique scandinave réalisée lors d’un championnat du monde par équipe mixte sur 188 joueurs a montré que plus d’un joueur sur deux a ou a eu des douleurs significatives à l’épaule sur le bras dominant. Une des explications pourrait relever du fait qu’une partie du mouvement du smash s’apparenterait à un mouvement de poussé plus ou moins vers le bas ou vers l’avant suivant les spécificités techniques de chacun. Or, les mouvements de poussée vers le bas poussent l’acromion vers le haut, ce qui a pour effet à la longue de léser le ligament acromio-claviculaire. L’articulation sera alors trop mobile et se déplacera vers le haut, provoquant ainsi des douleurs handicapantes. Les pompes ne font qu’aggraver ce phénomène auquel les joueurs de badminton sont déjà fortement exposés. A cela se rajoute un déséquilibre des ratios de force entre les muscles sollicités par les pompes (grand pectoral, triceps brachial, deltoïde faisceaux antérieurs) et leurs antagonistes (trapèze inférieur, biceps brachial, rhomboïde, grand rond, grand dorsal, petit rond, deltoïde faisceaux postérieurs). Ce déséquilibre, pouvant être accentué selon le profil postural du joueur, entraînera une hypertonie et une raideur des muscles de l’avant du torse ainsi qu’une hypotonie et une trop grande souplesse (en comparaison) des muscles de l’arrière du torse. Ces muscles de l’arrière du torse étant essentiels à la puissance de votre smash et au bon maintien de l’articulation de votre épaule. Ils sont les freins de votre smash, c’est-à-dire qu’ils permettent aux muscles qui initient votre smash de fonctionner à pleine puissance. Si vous aviez de très mauvais freins sur votre voiture, vous rouleriez moins vite !
En d’autres termes, si les pompes ou tous ces mouvements de répulsions sont intéressants pour le badminton, ils ont aussi des défauts et un encadrement avisé est requis pour les réaliser sans risque. Dix pompes à tous les échauffements de toute une carrière constituent un travail non-négligeable des muscles cités plus haut et peuvent avoir un effet délétère sur l’articulation de l’épaule et donc sur la performance. De même les punitions sous forme de pompes sont à proscrire à moins que vous ne mettiez en place des sollicitations équivalentes sur les muscles du dos…
A méditer et à digérer peut être pour quelques lecteurs.
Bon entraînement intelligent à tous !
Maxime Michel
DESJEPS Badminton
Préparateur physique
Philippe Michel
Professeur Agrégé EPS
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